SUR LA GÂCHETTE : ENTRE FICTION ET RÉALITÉ…

par Xypher

Depuis son lancement, la série Sur la gâchette rencontre un vif succès. Peut-être parce que son point de départ audacieux est intrigant : que se passerait-il si les armes à feu venaient soudain circuler massivement dans une Corée du Sud où leur possession est strictement interdite ?

Kim Young-kwang dans le rôle de Moon Baek / ©Son Ik-chung, Netflix © 2025

Synopsis

À Séoul, capitale du pays du matin frais, des colis remplis d’armes à feu apparaissent mystérieusement chez des citoyens ordinaires. Lee Do (Kim Nam-gil), ancien sniper devenu policier, enquête sur ce trafic illégal qui menace l’équilibre social. Sur sa route, il croise Moon Baek, personnage idéaliste et ambigu qui lui fournit des informations. Mais ses motivations restent obscures, et la relation complexe entre les deux hommes ne cesse de s’intensifier jusqu’au dernier épisode.  

L’interdiction des armes à feu, pilier de la sécurité nationale

La Corée du Sud est l’un des pays au monde où la législation sur les armes est la plus stricte. Les policiers n’en portent généralement pas en patrouille et les civils détenteurs de fusils de chasse ou de tir sportif – autorisation soumise à un contrôle précis – doivent les stocker dans les commissariats. De ce fait, le pays connaît un taux de criminalité par arme à feu extrêmement bas, ce qui nourrit un sentiment de sécurité très fort dans la population. 

Kim Nam-gil dans le rôle de Lee Do / © Son Ik-chung, Netflix © 2025

Ce contexte explique aussi pourquoi les dramas et films coréens privilégient souvent l’usage d’armes blanches – couteaux, battes ou marteaux – lorsqu’il s’agit de représenter la violence, ce qui est plus crédible dans un cadre réaliste. 

C’est pourquoi Sur la gâchette se distingue par l’audace du réalisateur et scénariste Kwon Oh-seung – remarqué à l’international pour son film Midnight Silence (2021), thriller psychologique. Il introduit un élément totalement étranger au quotidien sud-coréen et cette irruption massive de pistolets dans l’espace public agit comme un choc narratif et social, révélant tensions, frustrations et injustices.

Une réflexion sociétale

La confrontation des deux protagonistes, Lee Do et Moon Baek fait écho à une Corée du Sud qui se découvre vulnérable face à la violence armée, jusque-là impensable ; et cette dernière devient un enjeu politique et moral. Le drama ne se contente pas d’aligner les scènes d’action, il interroge sur la tentation de l’armement comme moyen d’émancipation, sur les failles d’une société que sa population croyait sûre, mais aussi sur les déséquilibres sociaux modernes à travers une galerie de portraits de gens « ordinaires » : l’étudiant écrasé par la compétition effrénée des concours publics, le repris de justice marginalisé, la mère en deuil de son fils dans un accident de travail, des adolescents victimes de harcèlement… L’arme devient alors le témoin d’un malaise collectif. Est-elle une réponse ultime au désespoir en donnant un pouvoir de domination et de destruction ? Le décor de Séoul accentue cette réflexion en présentant une capitale moderne traversée par de profondes fractures sociales, entre ambition effrénée et précarité. 

© Son Ik-chung, Netflix © 2025

Le casting, l’une des forces du thriller

En tête d’affiche, Kim Nam-gil (The Fire PriestIsland, ou encore Memories of a Murder) brille dans le rôle de Lee Do, ancien sniper dans l’armée, devenu agent de police. Habitué aux rôles complexes et tourmentés, l’acteur livre une prestation à la fois contenue et vibrante, parfaite pour un personnage tiraillé entre une enfance douloureuse, son passé militaire et la volonté de protéger autrui. Son charisme naturel apporte une profondeur indéniable à l’intrigue.

Face à lui, Kim Young-kwang (PinocchioThe Secret Life of My Secretary ou encore le film On Your Weddind Day) incarne Moon Baek, un homme aussi séduisant que dangereux. Sa nonchalance apparente cache une détermination glaçante, et apporte à son personnage un côté fascinant. On sent que l’acteur prend plaisir à brouiller les frontières entre charme et menace et ses face-à-face avec Kim Nam-gil ont une tension palpable.

Le reste du casting ne démérite pas, on citera entre autres : 

▶︎ Gil Hae-yeon (Memories of a MurderMy NameAbout Family) interprète Oh Gyeong-sook, une mère en quête de justice après la mort de son fils dans un accident industriel. Sa performance bouleversante illustre la manière dont une arme peut devenir un outil d’intimidation ou de vengeance. 

▶︎ Gu jeong-man est joué par Park Hoon (HaechiMemories of the Alhambra). Il incarne un homme ambitieux, chef d’un petit gang mafieux qui exécute le sale boulot d’une organisation criminelle plus puissante. Il voit dans les armes à feu, une opportunité d’accéder à un statut social jusqu’à maintenant hors de portée pour lui et ses hommes.

▶︎ Woo Ji-hyun (HellboundA Model Family) est Yoon Jeong-tae, étudiant qui prépare le concours d’entrée dans la fonction publique. Il impressionne tant il nous fait ressentir sa détresse. Sa descente dans la violence illustre la fragilité d’une jeunesse poussée à bout. 

Dans l’ensemble, le jeu des acteurs est d’une grande qualité, nuancé, intense, sans excès mélodramatique. Chacun apporte sa part à ce tableau sombre de la société coréenne, ce qui rend la série d’autant plus crédible et poignante. 

Les récits individuels au service du collectif

Chaque personnage incarne une faille sociale ; isolement, précarité, ambition frustrée, désespoir. Cette pluralité de récits sert à explorer une question centrale : comment une société réagit-elle quand le « contrat social » est brisé par l’apparition soudaine d’armes à feu ? Lee Do symbolise ce dilemme moral : comment affronter la violence sans y céder lui-même ? Où se situe la frontière entre justice et vengeance ?

© Son Ik-chung, Netflix © 2025

Au-delà du thriller

Lors d’une conférence de presse, Kwon Oh-seung rappelle que Sur la gâchette ne vise pas à glorifier la violence mais à explorer les motivations humaines et à encourager l’empathie.

Quelques jours avant la présentation de la série, un drame impliquant une arme à feu artisanale s’est produit à Incheon, et a secoué le pays. Le réalisateur souligne alors la nécessité de distinguer fiction et réalité, rappelant que la Corée du Sud reste l’un des pays les plus sûrs du monde précisément parce qu’elle ne connaît pas la prolifération des armes. En ce sens, Sur la gâchette est plus qu’un thriller : c’est une réflexion sur les mécanismes de la sécurité, sur la compétition scolaire destructrice, sur la solitude et les frustrations sociales.

En conclusion

Les thrillers coréens ont le vent en poupe et même si le thème de Sur la gâchette est rarement exploité, son réalisateur l’aborde à la fois de manière dérangeante et novatrice. La série fait écho aux débats mondiaux sur la prolifération des armes à feu… Face à son succès, la question d’une saison 2 se pose, mais rien n’est confirmé à ce jour, le drama ayant été conçu par son réalisateur comme une mini-série. 

© Son Ik-chung, Netflix © 2025

À l’instar de Squid GameSur la gâchette s’inscrit dans la veine des dystopies sociales coréennes où l’être humain se retrouve confronté à des situations extrêmes et inattendues. Mais, là où Squid Game interroge le capitalisme à travers la mécanique de jeux mortels, Sur la gâchette choisit d’explorer la fragilité d’une société pacifique brusquement confrontée à la prolifération d’armes à feu.

Deux manières différentes, mais tout aussi percutantes, de questionner la nature humaine.


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