Oui, dans le commerce en France il existe encore des personnes charmantes, animées et expertes dans leur domaine. Direction Toulouse pour partir à la rencontre d’Alexandre Rossignol, disquaire K-Pop fraîchement installé à Toulouse, qui s’est donné pour mission de partager sa passion pour la musique coréenne au reste du Sud de la France.
Entre éthique et bienveillance, Dingga Dingga Music s’impose désormais comme le lieu K-Pop chaleureux par excellence, où personne ne sera jamais jugé pour ses goûts musicaux, aussi niches soient-ils… Entretien en exclusivité pour K! World.

Bonjour, pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
Je m’appelle Alexandre Rossignol, et j’ai ouvert le magasin Dingga Dingga Music à la mi-mai. Je suis disquaire depuis environ treize ans, et je suis tombé dans la K-Pop en 2011, ça ne m’a jamais quitté depuis. Maintenant je suis à fond dedans ! (Rires.) J’ai grandi avec les animes japonais et la J-Pop, puis je suis tombée sur f(x), 2NE1 et compagnie, et on peut dire que je suis tombé amoureux ! En 2012, le SMTOWN a eu lieu en France avec SHINee et Girls’ Generation notamment, j’y suis allé avec une amie et même si la prestation de Girls’ Generation était catastrophique, on ne va pas se mentir, je me suis vraiment amusé. Et je suis tombé sous le charme des groupes K-Pop de manière générale !
Comment vous est venue l’idée d’ouvrir votre propre boutique K-Pop ?
Quand les magasins ont commencé à rouvrir après le COVID, en cherchant un album de TWICE dans l’intranet de l’endroit où je travaillais, je me suis rendu compte que je pouvais le commander. En réalisant que je pouvais importer des albums de K-Pop, j’ai créé un petit rayon K-Pop dans le magasin, et ça a rapidement pris pas mal d’importance. En 2023, la direction n’appréciait pas vraiment le rayon. Ils ne comprenaient pas les tendances, pourquoi les albums étaient aussi gros, pourquoi la clientèle se rassemblait pour discuter dans le rayon. Ça énervait une partie de la clientèle plus âgée, ce qui a mené à la réduction du rayon. Du coup j’ai décidé d’arrêter là, j’ai quitté mon boulot et j’ai mis absolument toutes mes économies dans l’ouverture de mon propre magasin. Ça fait peur mais tant pis ! (Rires.) J’en avais marre d’attendre un concert sur Paris pour pouvoir acheter mes albums chez Taiyou ou Musica ou devoir payer des frais d’import et de douane assez élevés. Tant qu’à faire, autant avoir ma propre boutique pour pouvoir aussi proposer aux gens [du Sud] des albums, sans qu’ils galèrent comme moi par le passé.

On constate effectivement qu’il y a plus de fans de K-Pop répartis dans le Nord, comme à Lille ou Paris. Est-ce que ça vous a mis le doute quant à l’ouverture de la boutique ?
Oui tout à fait, car dans mon ancien travail à Toulouse, je voyais des personnes venir depuis Carcassonne exprès pour le rayon K-Pop, ce qui représente une centaine de kilomètres. Il y a une clientèle dans le Sud, mais il n’y a pas de magasin spécialisé ou alors des petits corners dans certaines boutiques. Ça a donc été la principale problématique pour obtenir des fonds. Quasiment aucune banque n’a voulu me suivre dans le projet, parce qu’on parle de K-Pop, du Sud, et qu’il n’y a presque aucun concert ici. Malgré tout, la clientèle est là, peut-être sommes-nous juste plus discrets dans le Sud ! (Rires.) Les deux derniers concerts que nous avons eu dans le Sud ont eu lieu à Lyon et Montpellier, pourtant nous avons les infrastructures, même à Toulouse, pour accueillir des petits groupes KARD par exemple. Pour avoir discuté avec des professionnels du milieu, certains n’osent pas se lancer dans la K-Pop et préfèrent rester dans leur bulle pop-rock, car ils ont peur de n’attirer aucun spectateur. Après sur Toulouse, nous avons une à deux soirées K-Pop par mois dans des bars, on doit avoir facilement une dizaine de crews de dance, une association qui essaie de faire la promotion [de la culture coréenne], l’association franco-coréenne de Toulouse qui essaie de faire venir des artistes… Il y a des tentatives, mais effectivement c’est parfois compliqué. Dès qu’on parle du Sud de la France, il y a pas mal de réticence.
Pourquoi « Dingga Dingga Music » ?
C’est évidemment une référence à MAMAMOO, je suis un pur MOOMOO (NdlR : fandom du groupe) !
Vous communiquez pas mal sur les réseaux sociaux et le public a l’air réceptif, est-ce que vous assurez tout ça tout seul ?
Je suis tout seul à la boutique, et pour l’instant je ne me verse aucun salaire ! Pour le moment, je fais en sorte que le magasin tourne bien dans l’espoir de pouvoir me payer avant la fin de l’année. Côté réseaux sociaux, je reçois l’aide d’une amie. Je suis quelqu’un d’assez introverti, et donc faire des lives sur TikTok ou Instagram n’est vraiment pas mon truc. Je gère les posts, et elle s’occupe principalement de la partie vidéo.
À quoi ressemble votre clientèle typique ?
Je dirais féminine, entre 20 et 30 ans. Il y a des hommes aussi, mais le problème c’est qu’ils n’osent pas. Je les vois rentrer, ils regardent. On se doute qu’ils veulent acheter quelque chose, mais ils finissent pas repartir sans rien prendre. On ne va pas se mentir, il y a toujours comme un malaise, ce qui fait que les garçons n’osent pas trop de manière générale.
Vous pensez que ça pourrait évoluer au fil des années ?
Honnêtement, j’aimerais dire que oui. Mais vu la société actuelle, j’ai du mal à le croire. Ça pourrait peut-être évoluer avec des groupes comme LE SSERAFIM, Red Velvet ou encore MAMAMOO, qui ont une clientèle très masculine, alors qu’en Corée ce n’est pas nécessairement toujours le cas. En ce qui concerne les groupes féminins un peu plus cute, comme ILLIT et NewJeans, on a en général une clientèle plus masculine, car ce ne sont généralement pas les boy groups qui l’attirent. Les seuls groupes qui défient cette tendance, en dehors de Stray Kids, sont ceux de plus anciennes générations comme GOT7 ou TVXQ!. En tant qu’homme, je n’ai personnellement aucun souci à en trouver un autre beau, mais malheureusement la société est encore très patriarcale et machiste, ce qui rend le fait d’assumer ses goûts plus compliqué. C’est peut-être aussi une des raisons pour lesquelles la K-Pop peine à percer sur le marché mainstream français, ça bloque sûrement un peu à ce niveau-là.
« Ce que j’aime dans la K-Pop, c’est le fait qu’elle ait le pouvoir de rassembler les gens. »
Comment voyez-vous votre boutique évoluer ?
Pour l’instant elle va rester telle quelle, mais dans le futur j’aimerais développer une partie « sociale ». Avoir deux ou trois tables, un lecteur CD, des écouteurs pour que les gens puissent découvrir la musique en direct… Avoir un support pour mettre le téléphone et que les fans puissent aussi faire leurs unboxings… J’aimerais organiser des évents également, pas juste pour fêter l’anniversaire d’un idol, mais plutôt proposer mon local à des artistes de passage pour un fansign par exemple. À partir de la rentrée, je vais mettre en place des journées d’échanges de photocards, sans obligation d’achat. Ce que j’aime dans la K-Pop, c’est le fait qu’elle ait le pouvoir de rassembler les gens. On ne juge pas comment ils s’habillent, s’ils sont un peu enrobés, comment ils se maquillent… Il y a bien sûr des fans toxiques comme partout, mais j’ai envie de monter ce genre d’initiative positive pour les gens de Toulouse et du Sud.
La K-Pop peut effectivement être victime de clichés. Quand vous avez annoncé à votre entourage que vous quittiez votre job pour ouvrir une boutique K-Pop, avez-vous été soutenu ?
Côté famille, oui. Ils ne pensaient pas que j’en écoutais autant que ça. (Rires.) Ma sœur habite à l’étranger et m’a beaucoup soutenu et aidé. Sans elle, j’aurais eu beaucoup de mal à ouvrir la boutique. Elle m’a notamment aidé à entrer en contact avec les différents labels, les grossistes, les prestataires de transport etc. Ce n’est pas avec mon anglais typiquement français que j’aurais pu y parvenir ! (Rires.) Mes amis aussi m’ont soutenu. Mais l’entourage de mon ancien travail n’a jamais compris mon amour pour la K-Pop. J’ai eu droit à des remarques racistes, notamment à base de « Encore tes Chinois ? ». Sans parler des réflexions faites aux clients, c’est pour ça que j’ai préféré partir. Quitte à travailler dans quelque chose que j’aime, autant le faire pour moi et faire en sorte que les gens soient heureux. Parmi les soutiens reçus, il y a aussi eu celui du Centre National de la Musique, qui offre des subventions pour l’ouverture d’un magasin de disques. Sans eux, ma boutique n’aurait jamais existé. Même avec mon apport personnel, il me manquait des fonds pour que les banques puissent suivre le projet.
©Dingga Dingga Music ©Dingga Dingga Music
Parlons justement du Centre National de la Musique, n’y a-t-il eu aucun discrimination liée au fait que vous ouvriez une boutique spécialisée dans la K-Pop ?
Non, mais ce qui les a embêtés, c’est que dans la K-Pop il y a beaucoup de merch et eux souhaitent mettre en avant les CD. Ça a été compliqué parce qu’il a fallu que je sépare les stocks de merch et de CD, et le merch coûte relativement cher. C’est aussi la raison pour laquelle je n’en ai pas encore beaucoup, j’ai un quota maximum à respecter le temps de ma subvention. Dès que j’en serais libéré, j’aurais plus de goodies. Mais le fait que je sois un disquaire K-Pop, ils s’en fichent. Ils m’ont dit « C’est de la musique, c’est de la culture, vous êtes un disquaire indépendant, on vous suit. » L’autre difficulté est aussi que la musique vienne hors d’Union européenne. J’ai eu la chance de faire mon dossier en 2024, parce qu’en 2025 les conditions ont changé et désormais les fournisseurs doivent se trouver en Union européenne. Donc si quelqu’un voulait monter une boutique de disques K-Pop maintenant, ça risquerait d’être très compliqué.
Certains artistes K-Pop ont justement des distributeurs locaux, est-ce que ça aide un peu ?
Oui, par exemple JYP Entertainment et HYBE sont chez Universal. Le problème, c’est que ça me coûte moins cher de payer l’album en Corée, transport compris, plutôt que de les acheter à Universal. Certes, je n’ai pas les albums le jour de leur sortie, je dois compter environ quinze jours supplémentaires. Mais je mise sur des éditions spécifiques comme celles de Soundwave ou Whosfan Cafe, qui ont des photocards en édition limitée, cela me permet de proposer des choses différentes des grandes enseignes. De cette façon, je remercie aussi les fans d’avoir acheté l’album chez moi et pas ailleurs. Côté Japon j’ai abandonné, car le Japon a augmenté ses taxes d’import et la plupart des gros labels comme Avex refusent complètement l’import. Ils interdisent même l’export à leurs distributeurs locaux. Je devrais passer par des acheteurs tierces, mais ça ferait exploser le prix des albums japonais et je ne me vois pas proposer des jewel cases (NdlR : disque compact basique, devenu la norme pour les éditions japonaises des albums K-Pop) à 60€. Pour certains groupes qui se proclament internationaux comme XG, les éditions physique des albums à des prix corrects est une catastrophe.
Vous m’avez parlé de f(x) et 2NE1, avez-vous le souvenir précis du tout premier artiste K-Pop que vous avez écouté ?
Dans ma tête, ça reste f(x). Puis j’ai vécu les tout débuts de 2NE1, et l’année suivante le SMTOWN à Paris avec Girls’ Generation et SHINee notamment. Taeyeon et Hyoyeon ont été mes deux gros crush, encore Taeyeon à l’heure actuelle, je suis émerveillé à chaque fois que je la vois, je perds tous mes moyens. (Rires.) Je suis un vrai fan !
Est-ce vos goûts ont évolué en matière de K-Pop au fil des années ?
Oui, j’ai eu plusieurs périodes. Jusqu’à 2014-2015, j’en ai eu une très girl groups qui envoient du lourd, comme f(x), 4MINUTE, 2NE1… J’écoutais aussi pas mal de SHINee et TVXQ!. Après je suis passé à une période plutôt boy groups, comme MONSTA X. J’ai aussi eu une grosse phase rap, c’est sûrement celle qui a duré le plus longtemps. Mais ça a changé quand j’ai vu le clip de Piano Man de MAMAMOO, où les filles sont habillées hyper kitsch dans leurs robes à damiers, mais j’ai tout de suite été hyper impressionné par les voix. Depuis, MAMAMOO reste mon crush ultime, j’ai quasiment tous les albums. C’est mon plus gros coup de cœur et ma plus grosse déception, de ne jamais avoir eu de tournée en Europe. On aimerait aussi un comeback au complet du groupe, car pour le dixième anniversaire, on n’a rien eu. Si on nous disait que le groupe ne ferait plus rien en dehors des anniversaires, ça ne me gênerait pas. Par exemple, le retour de Girls’ Generation après sept ans d’absence était fabuleux, j’ai eu les larmes aux yeux en écoutant FOREVER 1. On sait que chacune a ses activités à côté, que le groupe n’est pas leur priorité. Le souci de MAMAMOO, c’est que des promesses sont faites mais rien n’arrive derrière. On sait très bien qu’avec RBW (NdlR : agence de MAMAMOO), la relation n’est pas au top, mais si Girls’ Generation a réussi [à faire un comeback] sous SM Entertainment, MAMAMOO devrait y arriver sous RBW. Ça ne me gêne pas de ne pas avoir de comeback tous les ans, du moment que les artistes sont clairs. Par exemple, si BLACKPINK annonçait ne pas refaire de contenu avant un certain moment, mais que leur retour se ferait avec un album complet, ce ne serait pas un souci. Le plus important est de ne pas teaser dans le vide.
Un grand merci à Alexandre Rossignol pour le temps accordé !
Retrouvez la boutique
Adresse : 9 rue Arnaud Bernard 31000 Toulouse
Transport : Compans-Caffarelli (ligne de métro B)
Horaires : Mardi de 13 h 30 à 19 heures, du mercredi au samedi de 10 h 30 à 19 heures
Site internet : Cliquez ici
Instagram @dinggadinggamusic
TikTok @dinggadinggamusic
En ce moment chez K! World…

Le magazine K! World N°47 est déjà disponible en pré-commande sur notre boutique en ligne et dans l’ABONNEMENT 1 AN ! Avec Kpop Demon Hunters, BLACKPINK, ATEEZ, i-dle, ENHYPEN…
▶︎ À découvrir EN CLIQUANT ICI !
▶︎ Abonnez-vous EN CLIQUANT ICI !